Biographie

Grégoire Favre naît le 15 décembre 1977 à Sion. Il grandit à Saint-Maurice en Valais, où il suit une grande partie de sa scolarité.

En 1997, après avoir obtenu sa maturité fédérale (équivalent du bac français) à l’école privée Ardévaz de Monthey, il entreprend un voyage aux États-Unis et en Amérique latine. À son retour en 1998, il commence des études en lettres à l’université de Genève, qu’il abandonnera après une année. Il s’établit alors à Zurich, travaille comme steward pour la compagnie d’aviation Swissair jusqu’à la faillite de l’entreprise en 2002, puis pour l’Exposition nationale suisse (Expo.02).

En 2003, il reprend ses études à l’université de Lausanne en histoire de l’art, français et histoire du cinéma. Il mène une intense activité littéraire tout en s’adonnant à la peinture et à la performance, notamment au Lapin Vert à Lausanne. Il reçoit en 2003 le Prix littéraire de la commune de Vernier puis, en 2004, le Prix de la Sorge.

En 2005 paraît son premier recueil de poèmes Paysage de Bretagne autour de gravures de l’artiste Valentine Schopfer.

Après avoir obtenu une demi-licence en cinéma, il quitte l’université et décide de retourner en Valais pour se consacrer entièrement à ses projets artistiques. En 2005, il s’associe au peintre Éric Bovisi pour réaliser, sous le regard du public, des performances picturales.
Au festival de BD de Sierre en 2006, les deux artistes créent des cubes géants en bois où le visiteur est invité à pénétrer, à vivre une expérience sensorielle et humaine dans un environnement fait de peintures, collages, coupures de presse et slogans poétiques.

Installation-performance réalisée par Grégoire Favre en 2006 au Festival de BD à Sierre
Installation réalisée par Grégoire Favre en 2006 au festival de BD à Sierre (photo : © Aline Moser). EN SAVOIR +

La collaboration artistique entre Grégoire Favre et Éric Bovisi va se poursuivre sur plusieurs années. Elle sera fructueuse. En 2007, le duo se livre à une création in situ à l’alpage de Ponchet (Chandolin), série de pièces éphémères entre sculptures, performances et installations. Pour garder une trace de ce travail, Grégoire Favre s’équipe d’un reflex numérique Pentax et expérimente différentes techniques photographiques. L’appareil photo ne quittera désormais plus ses mains et deviendra un de ses outils de création privilégiés.

En 2008, après avoir fondé l’Association Raison d’être, Grégoire Favre et Éric Bovisi présentent l’exposition Ramuz EnQuête d’une identité. Les artistes donnent vie au peintre Aimé Pache, personnage de roman inventé par Charles-Ferdinand Ramuz. À l’aide de peintures, de photographies, d’installations, de vidéos, de documents, d’objets chinés dans des brocantes, d’écrits, de coupures de presse, les artistes investissent les 700 m2 des Halles de Sierre. Ils interrogent, au travers du regard de l’auteur vaudois et de son personnage, leurs propres conditions d’artiste et le lien qui unit l’individu à sa région. Grégoire Favre et Éric Bovisi brouillent les frontières qui séparent la fiction de la réalité et, à une enquête photographique sur les racines vaudoises de Ramuz répond une autre enquête, celle des racines valaisannes du duo artistique.

Photographie de Grégoire Favre – Série Aimée Pache, peintre vaudois – Exposition Ramuz EnQuête d’une identité. EN SAVOIR +

En 2010, Grégoire Favre et Éric Bovisi présentent leurs nouvelles investigations artistiques dédiées cette fois-ci au monde ouvrier. La mémoire ouvrière concrétise plus de deux ans de recherche et de travail, de prospection dans des archives industrielles, d’interviews d’ouvriers. Les artistes se sont intéressés à un monde jusqu’ici inexploré, celui des ouvriers valaisans dont ils traquent l’histoire et recherchent les traces encore visibles dans la région. À l’ancienne usine Usego de Sierre, sur 1200 m2, le projet est élaboré en dialogue avec la population valaisanne à la suite d’un appel à témoins lancé dans la presse. Aux peintures d’inspiration constructiviste d’Éric Bovisi se mêlent les pièces de Grégoire Favre : portraits et témoignages d’ouvriers, entretiens vidéo, photographies de vestiges industriels, vidéo filmant la démolition de la fabrique de charbon de l’usine de Chippis, archives inédites, articles de presse, livres, objets…

La mémoire ouvrière se joue des frontières qui séparent l’art contemporain de la recherche scientifique et bouscule la vision d’un art élitiste qui graviterait en circuit fermé. Les deux artistes font dialoguer les générations, mettent en présence des archives et des paysages contemporains, confrontent le témoignage à la mémoire collective, leur imaginaire et leur travail plastique aux faits de l’Histoire. Ils invitent la population valaisanne à se réapproprier leur mémoire et, de manière plus générale, à poser une réflexion sur le monde ouvrier.

Photographie de Grégoire Favre – Série La Déconstruction – Exposition La Mémoire ouvrière. EN SAVOIR +

Autour de l’exposition, des concerts et événements se multiplient. Par ailleurs, un colloque sur le thème de la mémoire ouvrière est organisé le 6 novembre 2010 par l’Association pour l’étude de l’histoire du mouvement ouvrier (AÉHMO).

En prolongement de l’exposition, le livre Mémoire ouvrière, signé par Grégoire Favre en collaboration avec l’historien Luc van Dongen, paraît aux éditions Monographic en 2011. Là aussi, Grégoire Favre mélange les genres en croisant l’histoire, la mémoire et l’art.

En 2011, dans le cadre de son exposition À la rencontre de l’autre, Grégoire Favre prend part à la rencontre des immigrés de Chippis en dressant au sein d’une installation 15 portraits. L’artiste montre le décalage entre les discours politiques nationalistes qui rongent la Suisse et la réalité de terrain où les diverses communautés cohabitent parfaitement.

Photo de Grégoire Favre issue de la Série "Chippis"
Photo de Grégoire Favre – Série Chippis – Exposition À la rencontre de l’autre. EN SAVOIR +

En 2012, Grégoire Favre signe L’Alpina & Savoy : un siècle d’histoire hôtelière aux éditions Monographic. Il y raconte l’histoire des pionniers de l’hôtellerie de montagne mais aussi, grâce aux nombreux témoignages recueillis, celle des membres du personnel et des hôtes, retraçant du même coup, une histoire sociale et économique de Crans-Montana.

En 2013, il explore à nouveau la question de l’identité et le lien à l’autre dans le cadre de l’exposition Si loin si proche, un siècle d’ethnologie en Valais au Pénitencier, bâtiment des musées cantonaux à Sion. Fasciné par la rubrique des souhaits du journal Le Nouvelliste, qui permet aux lectrices et lecteurs d’adresser de bons vœux à des proches, Grégoire Favre collectionne les photos et messages imprimés. Pour cette exposition, il décide de les agencer sur un vaste pan de mur sous le titre Si vous les croisez, dites-leur qu’ils sont exposés à l’Ancien Pénitencier !

La même année, l’artiste réalise pour le musée Le Grand Lens, le film Ramuz à Lens avec David Bonjour, Blaise Pitteloud et Simon César Forclaz, sur une musique originale de Maryse et Christian Zufferey. En parcourant archives, témoignages de villageoises et villageois, récits et balades, on y découvre les thèmes chers à Ramuz, du monde paysan au Valais mystique ou merveilleux.

Cinq ans après l’exposition "Ramuz EnQuête d’une identité", Grégoire Favre revient à sa passion pour l’écrivain vaudois en réalisant le film "Ramuz à Lens" avec David Bonjour, Blaise Pitteloud et Simon César Forclaz.
Ramuz à Lens, un film de Grégoire Favre réalisé avec David Bonjour, Blaise Pitteloud et Simon César Forclaz. EN SAVOIR +

Dès la fin de l’année 2012, à l’occasion des travaux de transformation des anciens arsenaux de Sion en pôle culturel, scientifique et patrimonial, le Service de la culture du canton du Valais mandate Grégoire Favre et lui laisse carte blanche pour mener une chronique artistique durant les trois ans que durera le chantier. Fidèle à ses engagements, l’artiste décide de mettre en lumière ceux qui restent généralement dans l’ombre et part à la rencontre des ouvriers du chantier. D’apparence documentaire, les photographies évoquent le quotidien, le labeur et l’intimité des ouvriers, mais c’est le regard d’un artiste qu’elles expriment, volontairement décalé et subjectif, en jouant des formes et en cherchant l’abstraction au cœur du réel. Les gants, les outils, le matériel de chantier, la peinture, les vêtements des ouvriers deviennent des formes esthétiques et poétiques. Entre 2013 et 2015, l’artiste produit plus de 4000 images qu’il réunit sur un blog intitulé Chroniques de Pratifori, une chronique quotidienne de son travail sur le chantier.

Photo noir et blanc issue de la série "Chroniques de Pratifori" de l'artiste Grégoire Favre : un ouvrier au travail bras levé.
Photographie de Grégoire Favre – Série Chroniques de Pratifori.
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L’artiste crée également un mapping sur les murs des anciens arsenaux au moyen de deux installations vidéo réalisées en collaboration avec le vidéaste Vincent Forclaz. Les images sont projetées de nuit et donnent à voir les métiers, les corps et les gestes des travailleurs dans l’espace public.

En octobre 2013 est vernie l’exposition Chroniques de Pratifori : portraits d’ouvriers. Grégoire Favre y présente une série de 16 photographies, une installation sonore réalisée avec l’ingénieur du son Blaise Pitteloud (composée à partir de sonorités du chantier) et enfin le moyen-métrage Portraits d’ouvriers, qu’il réalise avec Simon César Forclaz et Blaise Pitteloud. Grégoire Favre partage les repas des travailleurs, les rencontre fréquemment, les filme dans l’exercice de leur profession, les interroge sur leurs parcours d’immigrés. Le film sera sélectionné sous le titre Chroniques de Pratifori au Doc Outlook International Market du festival Visions du Réel à Nyon en 2014.

De novembre 2014 à février 2015, Grégoire Favre dévoile au sein même de la médiathèque de Sion son Worker’s Corner, une installation en volume conçue comme un lieu de rencontre entre les employés et usagers de la médiathèque et les ouvriers du chantier de Pratifori. Inspiré des clubs ouvriers qui existaient au temps de l’Union soviétique, l’artiste offre aux visiteurs, usagers et ouvriers un espace commun de travail, de lecture et de culture. Composée de panneaux de coffrage, l’installation se réfère formellement à l’abri ou à la cabane de chantier. Les photographies, livres, vidéos et documents figurant au sein de l’installation questionnent les représentations du monde ouvrier. Si l’artiste s’appuie sur une pratique qui relève de l’archivage, la recherche exposée au sein du Worker’s Corner s’inscrit, comme à son habitude, dans une démarche esthétique et sensible.

Worker's corner - installation de Grégoire Favre en 2015 inspirée des clubs ouvriers qui existaient au temps de l’Union soviétique.
Vue de l’installation de Grégoire Favre nommée Worker’s Corner.
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En 2015, Grégoire Favre crée la revue L’Imprévisible avec la journaliste Isabelle Bagnoud Loretan et l’historienne d’art Valérie Roten. Réunissant des artistes et intellectuels venus de tous horizons, cette revue s’est donné pour mission de cartographier le Valais contemporain dans sa diversité et sa singularité. Le premier numéro est consacré à l’autoroute A9. Grégoire Favre y participe activement en rédigeant des enquêtes sur les aires d’autoroute : la première est consacrée aux gens du voyage injustement parqués par la police cantonale sur une aire de repos de l’A9 ; la deuxième est dédiée aux rencontres homosexuelles ; la troisième évoque les aventures d’un ancien brigadier de la police autoroutière. L’artiste-écrivain réalise également pour la revue un grand nombre de photographies.

Une exposition au château de Réchy prolonge la publication du premier numéro. À cette occasion, Grégoire Favre expose des photographies, des objets, des cartes routières et des livres, sur le même thème. Peu avant son décès, Grégoire Favre a participé activement au sommaire du second numéro consacré aux stations de montagne en réalisant également plusieurs photos.

Photographie de Grégoire Favre – Série Autoroute A9 – Revue L’Imprévisible. EN SAVOIR +

En janvier 2016, au Pénitencier de Sion, Grégoire Favre présente avec Simon César Forclaz, dans le cadre de l’exposition Impermanence, le Valais en mouvement, le film Portrait de Giovanni Rocchi. Celui-ci retrace le parcours d’un immigré italien, couturier de formation, qui a travaillé toute sa vie à l’usine et habite encore dans la cité ouvrière de Sous-Géronde à Sierre.

En février 2016, Grégoire Favre et Simon César Forclaz projettent à la Haute École de travail social à Sierre le film L’Aslec, qui relate les 50 ans d’histoire de l’association sierroise de loisirs et culture. Dans ce documentaire de création, ils donnent la parole aux membres fondateurs et à l’équipe actuelle, tout en accordant une place prépondérante aux jeunes qui fréquentent l’Association. Le film dresse un historique passionnant et pose une profonde réflexion sur le rôle capital joué par ce genre d’associations auprès des jeunes.

Le 10 octobre 2016, Grégoire Favre met fin à ses jours en montagne à l’âge de 38 ans. Il laisse derrière lui une œuvre colossale dont un vaste pan demeure inédit. L’artiste a notamment réalisé dès l’exposition Ramuz EnQuête d’une identité une centaine de Black Albums, carnets noirs remplis de collages, de poèmes et de réflexions. Une œuvre qui mêle encore la Grande Histoire à celle du Valais et au parcours personnel de l’artiste. Cette œuvre est en majeure partie inédite, comme les nombreux autoportraits réalisés par l’artiste au cours de sa vie.

Carnets de l'artiste Grégoire Favre présentés dans le cadre de l'Exposition "Chroniques de Pratifori" en 2019 aux Arsenaux de Sion.
Carnets d’artistes Black Albums de Grégoire Favre, technique mixte, 2008-2016. EN SAVOIR +

Depuis le 27 mars 2019, l’ensemble de l’œuvre de Grégoire Favre est réuni aux Archives de l’État du Valais et à la Médiathèque Valais au sein d’un fonds qui a été constitué dans le but de valoriser la richesse et la diversité du travail de l’artiste.

Du 23 août au 24 octobre 2019, une exposition posthume de photographies de Grégoire Favre, dédiées au travail des ouvriers sur le chantier de transformation des arsenaux de Sion en centre culturel, a été montée par les commissaires Valérie Roten et Isabelle Bagnoud Loretan. Le livre d’artiste Chroniques de Pratifori, publié par Olga Éditions, est paru à cette occasion.

Vue de l’exposition posthume Chroniques de Pratifori – Sion, août 2019.
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