L’artiste et auteur Grégoire Favre est décédé à l’âge de 38 ans. Il laisse derrière lui une œuvre foisonnante, animée par une cohérence profonde.

Quel que soit le médium utilisé (peinture, performance, installation, photographie, vidéo, texte), la question de l’identité se retrouve au cœur de son travail : l’identité personnelle comme mémoire, récit et construction de soi, mais aussi l’identité collective comme sentiment d’appartenance à une région, à un lieu, à une histoire commune, à un corps social.

L’artiste n’a cessé de s’interroger sur le lien profond qui unit l’individu à son environnement immédiat, confrontant ses propres recherches introspectives et artistiques au monde et à l’autre.

Mêlant art et recherche, l’œuvre de Grégoire Favre est tout à la fois une quête (intérieure/artistique/esthétique) et une enquête (sociale/historique/humaine), comme le laissait entendre dès 2008 le titre de son exposition consacrée à l’écrivain vaudois Charles-Ferdinand Ramuz : Ramuz EnQuête d’une identité.

L’artiste ne s’est jamais contenté de créer dans son atelier, il est parti à la rencontre de l’autre pour instaurer un dialogue étroit avec les oublié-e-s de l’histoire ainsi que toutes celles et ceux qui travaillent dans l’ombre, les invitant à participer activement à ses projets artistiques.

L’artiste Grégoire Favre en 2015

«L’artiste comme ethnologue cherche à faire participer l’autre pour éviter sa réification. Il cherche à établir un dialogue. De même, Grégoire Favre a donné à l’autre une place active. La qualité des échanges que l’artiste a su entretenir avec les ouvriers et son engagement personnel s’avèrent garants de la qualité de l’expérience artistique qu’il propose. Il s’agit de rendre le réel visible et non de le représenter, de donner une visibilité au réel en évitant qu’il ne se détruise en se montrant.»

Valérie Roten, « Le chantier révélé » in Chroniques de Pratifori, Olga Éditions, 2019.

ACTUALITÉS

L'artiste Grégoire Favre dans son installation "Worker's corner" inspirée des clubs ouvriers qui existaient au temps de l’Union soviétique (2015).

Jacques Cordonier, qui a bien connu Grégoire Favre en tant que chef du Service de la culture du Canton du Valais, revient sur le parcours de l’artiste en nous livrant un vibrant hommage. Grégoire Favre, nous confie-t-il, « a transmis une manière de regarder et de voir sans reculer devant notre sensibilité. »

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Dans le cadre des Journées européennes du patrimoine 2023, plusieurs pièces des Chroniques de Pratifori de Grégoire Favre ont été présentées au sein des Arsenaux à Sion le 9 septembre 2023 : une série de photographies ainsi que le film Portraits d’ouvriers. Une journée organisée par les archives de l’Etat du Valais en collaboration avec le SRF.

Du 20 juin 2020 au 30 mai 2021, l’exposition Destination Collection a mis en lumière, à l’Ancien Pénitencier de Sion, la richesse et la diversité des collections du canton du Valais. Parmi les œuvres présentées : une photo réalisée par Grégoire Favre lors de ses nombreuses recherches sur le monde ouvrier. Il s’agit du portrait de Domenico Di Mento (2011, impression sur aluminium, 50 x 37 cm). La photo de cet ouvrier d’origine sicilienne a été présentée dans un environnement constitué de bois de coffrage, matériel qu’utilisait l’artiste dans ses installations.

PUBLICATIONS

Grégoire Favre a disparu un soir de nuit sans lune. Son frère Guillaume lui consacre ce livre de poésie, véritable requiem pour libérer le chagrin et la brutalité de l’irrémédiable, et rendre hommage au frère et à l’artiste. Greg ou rien n’est pas un simple carnet de deuil, c’est le portrait croisé de deux frères passionnés par l’art, la musique et la littérature, deux frères qui aimaient mêler tous les genres, ébranler tous les codes, pour dire le plaisir infini de créer envers et contre tout.

Aux mots du poète se mêle une multitude d’autres voix citées, samplées, effleurées, qui se déploient au fil du recueil. De Roland Barthes à Depeche Mode, d’Anna Akhmatova à David Lynch, un concert de voix se fait entendre, comme un chœur qui nous accompagne sur les chemins du deuil et de la poésie.

(Couverture : ©Cousu Mouche)

Couverture du livre Swiss Artists' Books

Les Black Albums de Grégoire Favre sont à l’honneur dans l’ouvrage Swiss artists’ books – Schweizer Künstlerbücher – Livres d’artistes suisses – Libri d’artista svizzeri paru aux éditions Walther & Franz König en septembre 2022. En dialogue avec l’éditrice et autrice Susanne Bieri, l’historien Simon Roth se penche sur les carnets de l’artiste qu’il considère comme « une œuvre en soi, mêlant collages, découpages, slogans, articles, etc. » « Les Black Albums, dont le titre et le visuel sont un clin d’œil à l’album mythique du groupe de hard rock Metallica, s’inscrivent dans la conception actuelle du livre d’artiste, malgré les difficultés d’une définition claire de cette pratique. Comme un essai, un espace de liberté totale, un medium d’une grande souplesse, apte à surprendre et à se redéfinir sans cesse. »

(Couverture : ©Teo Schifferli)

Grégoire Favre s’est immergé entre 2012 et 2015 dans l’univers et le quotidien de nombreux ouvriers, lors de la transformation des anciens arsenaux de Pratifori en centre culturel, au cœur de la ville de Sion en Valais. Ce livre d’artiste, paru à titre posthume chez Olga Éditions en 2019, présente une centaine de photographies réalisées sur ce chantier.

(Couverture : ©Olga Éditions)